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Libre installation des notaires : prêts, feu, … créez !

Libre installation des notaires : prêts, feu, … créez !

Ca y est, les candidatures pour la création de nouveaux offices sont ouvertes depuis le 16 novembre. Après une longue bataille débutée avec la loi Macron, toutes les précisions nécessaires ont été apportées par les arrêtés de cette fin d’année : sur deux ans, 1 650 notaires devront être nommés, 1 002 études créées. Malgré tout, l’inquiétude demeure : du côté des potentiels arrivants, concernant l’accueil que leurs confrères vont leur réserver ; et du côté des notaires existants, qui craignent les trop grandes perturbations que pourraient provoquer cette nouvelle concurrence.

Le point sur les derniers arrêtés

Après un décret du 20 mai 2016 [Décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels.] et un avis de l’Autorité de la concurrence rendu au mois de juin, les arrêtés se sont faits attendre. Le premier round a débuté le 16 septembre, avec deux arrêtés fixant les zones d’installations [1] et les pièces à produire [2]. Suivant l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence au moins de juin, 307 zones d’installation ont été définies par la Chancellerie :
- 247 zones d’installation libre, « où l’implantation d’offices de notaires apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services » ;
- 60 zones d’installation contrôlée, « dans lesquels les demandes de créations d’offices feront l’objet d’un contrôle a priori du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis de l’Autorité de la concurrence ».

Sont précisés les communes, les recommandations du nombre d’offices à créer par commune et les objectifs de nomination de notaires titulaires et associés à atteindre.
Il ne manquait plus que l’ouverture des candidatures, qui a eu lieu le 16 novembre. Le dépôt s’est fait sur un nouveau portail internet dédié aux officiers publics ministériels, opm.justice.gouv.fr, et la procédure est entièrement dématérialisée. Les demandes horodatées seront instruites suivant l’ordre d’enregistrement, sauf si le nombre de demandes enregistrées dans les premières 24 heures ont été supérieures au nombre d’offices à créer. Dans ce cas, un tirage au sort déterminera l’ordre des candidatures. Les premières nominations devraient intervenir d’ici la fin de l’année 2016, et s’étaler sur les premier mois de 2017.

1 650 nominations et 1 002 études à créer, pour un potentiel d’environ 10 000 diplômés notaires. Tous ne souhaiteront bien sûr pas s’installer, mais l’occasion est belle, comme l’explique Grégoire Masure, président du réseau Notairia, dans une interview du Village de la Justice : le jeune notaire « a une opportunité exceptionnelle de créer son office car jusqu’à présent les possibilités étaient très rares par la voie du concours, et très difficiles. Il faut qu’il réfléchisse bien à son projet, mais le principal risque serait de voir les autres diplômés notaires s’installer territorialement, de compléter cette fameuse cartographie de futurs notaires et quand elle sera complète de se dire qu’il aurait dû y aller. Aujourd’hui est une chance pour des personnes qui ont une dizaine d’années d’expérience, qui se sentent prêtes, sont formées, ont travaillé à leurs projets, souhaitent être indépendants et ont un état d’esprit d’entrepreneur. C’est un train qui ne passera peut-être pas plusieurs fois… ».
Malheureusement, à peine lancé, ce train est déjà en panne, et laisse les notaires qui souhaitent s’installer encore dans l’attente.

Une installation qui crée encore des remous

L’ouverture des candidatures a été, dès le départ, chaotique. L’horodateur s’est trouvé submergé, et pour cause : le lendemain, on comptabilisait presque 30 000 demandes d’installation. Compte tenu du nombre de diplômés notaires, cela ne signifie qu’une chose : les notaires installés ont également participé. Une démarche régulière, puisque la procédure a été ouverte à tous – diplômés notaires, notaires installés et sociétés civiles professionnelles – par un décret du 9 novembre 2016 [3]. Mais elle va malgré tout à l’encontre de l’esprit des dispositions, qui souhaitaient avant tout laisser une place aux jeunes. Le principe du tirage au sort devient alors problématique, car la possibilité de s’installer pour les jeunes notaires se résumerait à un coup de chance.
La suite des événements a finalement mis un coup d’arrêt au processus, puisque fin décembre le tirage au sort a été suspendu par le Conseil d’État. La haute juridiction a considéré que les garanties procédurales étaient insuffisantes. En réponse, le ministère de la Justice a publié un nouvel arrêté qui « indique de façon très détaillée les modalités de tirage au sort, afin de répondre aux interrogations soulevées et assurer la sécurité juridique des opérations ».
Une autre requête a également été déposée devant le juge des référés par Jean-Charles Persico, notaire pendant quinze ans et président de l’association Libre installation des diplômés notaires (LIDN), contre ce fameux décret qui permet aux SCP de postuler pour les nouveaux offices à créer. Un texte considéré comme « un coup de poignard dans le dos » par le requérant, lors de l’audience qui a eu lieu le 6 janvier. A l’heure où nous rédigeons ces lignes, le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé, mais le juge des référés, saisi en parallèle, à refuser de suspendre l’application du décret.

Cette succession de « rebondissements » fait suite à d’autres prises de position des institutions notariales, qui n’ont pas encore abandonné le combat. Ainsi, le nouveau président du Conseil supérieur du notariat (CSN), Didier Coiffard, a annoncé qu’un recours contre la carte d’installation a été déposé devant le Conseil d’État le 25 octobre, souhaitant « un maillage beaucoup plus resserré pour correspondre aux bassins de vie ». Une démarche qui met une nouvelle fois en doute les plans des futurs installants. Pourtant « le recours ne remet pas en cause l’accueil des jeunes qui sera assuré pour qu’ils intègrent la profession dans de bonnes conditions ». Le message envoyé est on ne peut plus confus pour Jean-Charles Persico : « D’un côté, ils annoncent mettre en place des commissions d’accueil et qu’il faut accueillir les nouveaux « comme il se doit », tout en faisant un recours contre la cartographie, donc contre l’ouverture. En résumé, ils accueillent les jeunes notaires parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, mais moins il y a de nouveaux arrivants, mieux c’est. Mais ça, nous l’avions compris depuis le début. »

Les arguments principaux de l’institution : la crainte des « conséquences futures de ces installations sur l’équilibre économique et social de la profession », les « risques de désert juridique » et l’absence de viabilité des offices bientôt créés. « Je n’ai pas envie d’avoir des jeunes notaires qui s’installent et qui déposent le bilan dans deux ans parce qu’ils n’auront pas eu le temps de réussir leur installation » a ainsi affirmé Didier Coiffard. Le CSN considère donc qu’un bilan précis dans deux ans sera indispensable avant de pouvoir envisager de nouveaux développements.

Ces nouveaux arrivants vont bien évidemment bouleverser le paysage du notariat, et il est naturel que les offices existants aient des craintes. « Bien sûr que ces installations vont changer l’environnement concurrentiel des notaires, confirme Jean-Charles Persico. Mais je crois que ce n’est pas nécessairement au niveau de l’exploitation, de l’exercice du métier ou des revenus que cela va changer, mais surtout sur la valeur patrimoniale de l’étude, qui n’aura pas la même valeur dans un secteur où la concurrence est libre. » Mais les premières responsables, selon lui, sont d’abord les institutions. « La réforme Macron intervient après quinze ou vingt ans de rapports qui annonçaient cette situation. La profession aurait dû anticiper et, comme les experts-comptables, avoir ainsi la capacité d’ouvrir et de maitriser l’ouverture. »

Le risque serait de s’enliser dans une guerre intestine qui pourrait nuire à la profession plutôt que la préserver. Fidèle partenaire du notariat, la Caisse des Dépôts entend, en accompagnement des instances professionnelles contribuer à maintenir une certaine cohérence au sein de la profession (les rapports entre installés et nouveaux arrivants).
« L’accompagnement de la Caisse des Dépôts ne concernera pas uniquement l’installation des nouveaux notaires, mais consistera également à trouver comment faire coexister les notaires existants et les nouveaux, explique Elisabeth Viola, directrice des services bancaires de la Caisse des Dépôts. La création de mille offices en deux ans aura forcément des impacts sur les études, urbaines comme rurales, mais ces nouvelles installations ne doivent pas mettre à mal la solidarité entre les notaires et mener à une confrontation stérile. Il ne faut pas se tromper de combat. »

Depuis septembre 2016, la CDC propose de nouvelles solutions d’accompagnement aux futurs notaires suite à la suspension du cautionnement ANC. Une décision « inspirée par la prudence » selon un communiqué de l’ancien président du CSN Pierre-Luc Vogel. « Il ne nous a pas paru raisonnable de faire supporter par la communauté des notaires le risque accru de défaillance que chacun redoute pour ceux qui entendront bénéficier de la liberté d’installation. »
« L’ANC ayant pris cette décision, nous devons trouver des solutions qui permettront à ceux qui n’ont pas de patrimoine de pouvoir s’installer et mener une réflexion sur les garanties, explique Elisabeth Viola. Pour l’instant, la Caisse des Dépôts a proposé des prêts sur l’installation avec des garanties classiques, réelles ou personnelles, voire sans garantie s’il n’y a pas d’autres possibilités et suivant la qualité du dossier. »

Le souci constant de la CDC est que chaque prétendant à la création/installation, quelle que soit sa situation personnelle, puisse prétendre à un l’accompagnement de celle-ci. Elle réservera toujours une égalité de traitement à tous les notaires qui la solliciteront.
Malgré ces incertitudes, la priorité est maintenant de construire un projet solide et pérenne, en adéquation avec les nouvelles exigences des clients et les nouvelles opportunités qui s’offrent à la profession.

« Adopter dès le départ un business model différent »

La création d’un office dans les deux prochaines années est en effet l’occasion de construire un projet adapté aux nouveaux enjeux actuels. Diversification des activités, choix stratégiques des secteurs, réflexion sur l’amélioration de la relation-clients, … Des éléments à ne surtout pas négliger, tout en tenant compte de ses points forts. « Pour bien s’installer, il faut avant tout ne pas y aller tout seul, sans réseau, sans la force d’un collectif, affirme Jean-Charles Persico. Il faut choisir un secteur dans lequel on est bien installé, à moins d’être capable de se créer un réseau, mais il faut alors le faire très rapidement. Je serai très surpris qu’un notaire qui arrive soit aidé par ses confrères déjà installés. Il faudra donc trouver ses clients soi-même, et adopter dès le départ un business model différent de celui qui existe aujourd’hui. »
Elisabeth Viola est également certaine qu’en s’appuyant sur les partenariats existants, et notamment sur la Caisse des Dépôts, « nous pouvons nous projeter dans l’univers agile et réactif des start-up. »

Autre réflexion à mener, et qui se précisera courant 2017 : la question de l’interprofessionnalité. Si elle interroge encore, elle profile pourtant de nombreuses opportunités pour les notaires, à condition que l’association soit réfléchie. Du côté de la LIDN, « nous sommes plutôt favorables à l’interprofessionnalité, mais elle doit se construire dans le cadre d’une stratégie d’entreprise, souligne Jean-Charles Persico. Nous pouvons être complémentaires dans de nombreux domaines, avec les avocats ou les experts-comptables. La seule association ne fera pas venir les clients. Si un notaire est spécialisé en divorce par exemple, il peut être intéressant de s’associer à un avocat, afin de proposer un meilleur service au client et des conditions financières plus compétitives. »

Clarisse Andry

Article initialement paru dans le Journal du Village des Notaires n°61


Notes :

[1Arrêté du 16 septembre 2016 pris en application de l’article 52 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

[2Arrêté du 16 septembre 2016 fixant la liste des pièces à produire pour une demande de nomination en qualité de notaire dans un office à créer et le délai prévus à l’article 51 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire.

[3Décret n°2016-1509 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire

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